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Je suis tombée en amour avec ce beau et long poème.

Artine

Cadeau pour Vous.

 

 

Le deuil des Névons

 

                           Pour un violon, une flûte et un écho

 

Un pas de jeune fille
A caressé l'allée,
A traversé la grille.

 

Dans le parc des Névons
Les sauterelles dorment.
Gelée blanche et grêlons
Introduisent l'automne.

 

C'est le vent qui décide
Si les feuilles seront
A terre avant les nids.

 

 

Vite ! Le souvenir néglige

Qui lui posa ce front

Ce large coup d’œil, cette verse,

Balancement de méduse

Au-dessus du temps profond.

 

Il est l’égal des verveines,
Chaque été coupées ras,
Le temps où la terre sème.

 


La fenêtre et le parc,
Le platane et le toit
Lançaient charges d’abeilles,
Du pollen au rayon,
De l’essaim à la fleur.

Un libre oiseau voilier,
Planant pour se nourrir,
Proférait des paroles
Comme un hardi marin.

Quand le lit se fermait
Sur tout mon corps fourbu,
De beaux yeux s’en allaient
De l’ouvrage vers moi.

L’aiguille scintillait ;
Et je sentais le fil
Dans le trésor des doigts
Qui brodaient la batiste.

Ah ! lointain est cet âge.
Que d’années à grandir,
Sans père pour mon bras !

Tous ses dons répandus,
La rivière chérie
Subvenait aux besoins.
Peupliers et guitares
Ressuscitaient au soir
Pour fêter ce prodige
Où le ciel n’avait part.

Un faucheur de prairie
S’élevant, se voûtant,
Piquait les hirondelles,
Sans fin silencieux.

Sa quille retenue
Au limon de l’îlot,
Une barque était morte.

L’heure entre classe et nuit,
La ronce les serrant,
Des garnements confus
Couraient, cruels et sourds.
La brume les sautait,
De glace et maternelle.
Sur le bambou des jungles
Ils s’étaient modelés,
Chers roseaux voltigeants !

Le jardinier invalide sourit
Au souvenir de ses outils perdus.
Au bois mort qui se multiplie.

 

Le bien qu'on se partage,
Volonté d'un défunt,
A broyé et détruit
La pelouse et les arbres,
La paresse endormie,
L'espace ténébreux
De mon parc des Névons.

 

Puisqu'il faut renoncer
A ce qu'on ne peut retenir,
Qui devient autre chose
Contre ou avec le cœur, -
L'oublier rondement,

 

Puis battre les buissons
Pour chercher sans trouver
Ce qui doit nous guérir
De nos maux inconnus
Que nous portons partout.



 

Édition originale ornée en frontispice d'une EAU-FORTE ORIGINALE DE LOUIS FERNANDEZ, ICI SIGNEE AU CRAYON. Char allait se séparer de sa maison natale “ Les Névons ”, vendue aux enchères.

Édition originale ornée en frontispice d'une EAU-FORTE ORIGINALE DE LOUIS FERNANDEZ, ICI SIGNEE AU CRAYON. Char allait se séparer de sa maison natale “ Les Névons ”, vendue aux enchères.

Tag(s) : #Poésies
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