Aujourd'hui, j'ai découvert Raymond Carver. Surprise par la simplicité audacieuse des thèmes, séduite par le rythme de son souffle, je partage avec vous un moment de bonheur saisi dans l'instant.
Artine.
An afternoon
As he writes, without looking at the sea,
he feels the tip of his pen begin to tremble.
The tide is going out across the shingle.
But it isn't that. No,
it's because at that moment she chooses
to walk into the room without any clothes on.
Drowsy, not even sure where she is
for a moment. She waves the hair from her forehead.
Sits on the toilet with her eyes closed,
head down. Legs sprawled. He sees her
through the doorway. Maybe
she's remembering what happened that morning.
For after a time, she opens one eye and looks at him.
And sweetly smiles.
Un après-midi
En écrivant, sans regarder la mer,
il sent que la pointe de son stylo commence à sombrer.
La marée descendante découvre les galets.
Mais ce n’est pas ça. Non,
c’est parce qu’à ce moment elle choisit
d’entrer dans la chambre sans le moindre vêtement.
Etourdie, sans même savoir où elle est
pendant quelques instants. Elle rejette ses cheveux en arrière.
S’assied sur la cuvette, les yeux fermés,
tête baissée. Jambes écartées. Il la voit
dans l’embrasure. Elle se rappelle
peut-être ce qui s’est passé ce matin.
Car après un temps, elle ouvre un œil et le regarde.
Et sourit tendrement.
Raymond Carver, La vitesse foudroyante du passé, p. 15 Editions de l’Olivier, traduit de l’anglais par Emmanuel Moses, 2006. L’édition originale de cet ouvrage est parue chez Random House en 1986 sous le titre : Ultramarine.